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Une économie plus juste et collective ... démentie dans les faits.
Depuis le départ de Che Guevara pour Cuba le 25 novembre 1956 aux côtés des 81 autres guérilleros, son image était surtout celle d’un révolutionnaire prêt à tout pour renverser la dictature de Batista et prendre le pouvoir. Le 9 février 1959 l’Argentin se voit accordé la nationalité Cubaine, c’est à partir de là qu’il va réellement commencer à s’impliquer dans la vie économique de Cuba. Le Che s’est beaucoup inspiré du model soviétique et croyait possible la destruction totale des propriétés privés. Il pensait pouvoir passer d’un Etat capitaliste (système économique basé sur la propriété privée des moyens de production, la recherche du profit et la concurrence) à un Etat socialiste (doctrine condamnant la propriété privée, l'exploitation des prolétaires, les mécanismes économiques et ayant comme objectif la transformation de la société dans un sens plus égalitaire) par de simples réformes mais ses compétences dans les domaines agricole, économique et politique demeuraient pratiquement nulles.
1)La réforme agraire et l’agriculture
C’est ainsi que le Che participe aux côtés de Fidel Castro à la première réforme agraire du 17 mai 1959 basée sur la redistribution des terres à ceux qui la travaillent, c'est-à-dire aux paysans. Cependant les institutions sont, à ce moment là, encore sous le contrôle d'associations démocratiques et libérales peu actives, qui réunissent les opposants de Fulgencio Batista. Ainsi, pour permettre de fixer le pouvoir entre les mains d’éléments plus radicaux, le Gouvernement révolutionnaire va créer l’INRA (institut national de la réforme agraire). Fidel Castro est nommé président de l'Inra en Octobre 1959, la nouvelle armée exécute donc ses décisions, dirigeant parfois les exploitations transformées en coopératives, tandis que des départements sont créés à l’intérieur de l'institution. C’est ainsi qui Che Guevara devient le premier ministre de l’industrie le 23 janvier 1961. L'Inra contrôle aussi bien les crédits que les salaires. Plus tard, cet institut englobera le commerce des produits, et la création en 1961 de l'Association nationale des petits agriculteurs (Anap) répondant à la volonté de Guevara d'intégrer la totalité de la production agricole au service de la Junte centrale de planification (Juceplan), mis en place en février 1960. Dans cette réforme l’idée du Che était de diversifier rapidement les cultures pour atteindre l’autosuffisance car l’économie sucrière étouffait le développement des autres secteurs. Pour parvenir à cela, il pensait nationaliser les compagnies étrangères pour la plupart américaines et supprimer les latifundiums (terres supérieurs à 400 Hectares) pour ensuite les redistribuer aux paysans Cubains. 40% des terres ont ainsi été remaniées. En effet, en redistribuant les terres pour diversifier l’agriculture, le Che pensait que ceci entraînerait l’augmentation du produit intérieur brut (PIB). Grâce à cela, le gouvernement pourra lancer la phase d'industrialisation qui fera de Cuba un pays autosuffisant. En plus des revenus tirés de la croissance économique, l'emprunt sur le marché international permettra de financer le projet de développement. Par ailleurs le gouvernement révolutionnaire avait mis à la disposition des paysans cubains un grand nombre d’aides : des systèmes de crédits, des mécanismes de commercialisation de leurs produits, des retenues d’eau pour leurs cultures, des programmes de fourniture de machines et d’outils agricoles ainsi que d’engrais et de pesticides. La réforme comportait également un programme de développement des zones rurales : le gouvernement révolutionnaire a fait construire des routes et chemins pour éviter l’isolement dans lequel se trouvaient les campagnes. Cette réforme agraire consistait à aider les paysans mais excluait d’autre part les grands propriétaires. Le nouveau gouvernement persuadé qu'il ne pouvait y avoir de révolution sans l'appui des paysans et des ouvriers espérait ainsi un soutient populaire. Néanmoins, c’est au rôle de l'Anap de procurer les semis aux agriculteurs, pour qu’ils puissent en retour vendre leurs récoltes à l'Etat. A partir de là, au lieu de la diversification agricole, de l'augmentation de la production et d'un meilleur partage des ressources, les pénuries apparaissent, et les carnets de rationnement sont instaurés en mars 1962 pour les denrées alimentaires de base comme les haricots, le riz, les œufs, le pain, le café, le sucre, le savon, le lait pour les enfants de moins de 7 ans, mais toujours en très petites quantités.
2)La réforme agraire et l’industrie
Alors que la réforme est basée sur le principe selon lequel la terre appartient à celui qui la travaille, la plupart des domaines confisqués sont nationalisés et transformés en coopératives. Sur le même modèle que l'agriculture, le Che adopte cette foi un système de concentration dans le domaine industriel, donc la réorganisation de l'industrie nationale s'effectue dans le cadre de l'Inra. De plus, le manque de rentabilité et les conflits entre la direction et les salariés servent de prétexte pour nationaliser petit à petit les entreprises. En février 1961, le département de l'industrie se trouvant sous la direction de Guevara contrôle environ les trois quarts de l’industrie cubaine. Ce n'est que le 13 octobre 1960 que le Gouvernement cubain annonce la nationalisation d'entreprises commerciales et industrielles comportant principalement l'industrie de canne à sucre. A partir de ce moment là, la production industrielle commence à prendre de l’ampleur. En effet l'économie sucrière étouffait le développement des autres secteurs. Guevara met donc en place de nouveaux projets pour assurer une industrie propre au pays. Le départ en exil de nombreux gérants et statisticiens, la difficulté d'assurer l'approvisionnement en pièces détachées, le manque de pétrole et d'autres ressources naturelles font cruellement défaut à la fois à l'industrie mais également aux plans élaborés par Guevara. L'une des solutions mises en place par le Che est alors de développer le travail volontaire (dans les domaines concernant l’industrie navale, la mécanique, la sidérurgie, la chimie, les dérivées de la canne à sucre…) pour compenser le manque d'efficacité des cadres, mais il finit par reconnaître lui-même la mauvaise qualité des biens de consommation courante qui sortent des usines cubaines. Les plans concernant l’industrie s’écroulent. Il devient alors impossible d'arrêter le déficit de la balance des paiements. De 12,3 millions de pesos en 1961, le déficit commercial passe à 237 millions en 1962 et à 322,2 millions en 1963. Il en profite alors pour insister sur le fait que les travailleurs doivent prendre conscience qu’ils ont un niveau précis à atteindre dans une société révolutionnaire. Malgré cela les travailleurs restent peu efficaces. Ce ne sera qu'à la fin des années 1960 et surtout dans les années 1970 que les stimulants moraux seront remplacés par des stimulants matériels. Mais le Che affirmera qu’il est nécessaire de choisir des stimulants matériels qui n'affaiblissent pas la solidarité de la classe ouvrière et qui n'entraînent pas de rivalité entre les travailleurs. Pour cela, il suggère un système de primes collectives (pour les équipes ou les entreprises) plutôt qu'un système de primes individuelles. Mais le résultat ne sera guère plus efficace. Et pourtant, en parallèle, un vaste secteur privé regroupant artisans, plombiers, mécaniciens, etc survit sans que sa contribution soit mise à profit. Finalement, en 1964, le gouvernement révolutionnaire décidera d'abandonner l'industrialisation et se repliera sur la stratégie fondée sur le sucre et l'agriculture.
3)Un échec économique général
Depuis le 26 novembre 1959, Ernesto Guevara a remplacé l'économiste libéral Felipe Pazos à la tête de la Banque nationale de Cuba. Il prend alors la place du second personnage Cubain le plus important après Castro. Mais le Che gère une foi de plus ce domaine par l'improvisation. Pourtant il n’a pas le droit à l’erreur puisque le financement des réformes agricoles et industrielles est la solution de ses projets économiques. Il faut savoir qu’ en 1950 la monnaie nationale de Cuba était le dollar. L’idée des Etats-Unis était de permettre l’entrée de la Banque National de Cuba dans de nouvelles organisations financières internationales où la présence des Américains était déjà dominante. Ainsi ils auraient pu dynamiser les activités des banques cubaines au niveau mondial autour du secteur principal : le sucre. Mais l’arrivée du Che comme président de la banque centrale Cubaine, de novembre 1959 à février 1961, a entraîné la transformation des institutions monétaires et financières du pays. Les institutions financières sont dès lors intégrées à l’Etat cubain, notamment à l’INRA. Ces institutions dépendent donc pour la première fois après quatre siècles de colonisation espagnole et six décennies de dépendance américaine des seules activités nationales. C’est ainsi que le 13 octobre 1960 les premières banques Américaines et certaines coopératives sont nationalisées au même titre que celles cubaines. En février 1961 la restructuration des banques cubaines est terminée, elles possèdent désormais les fonctions monétaires, bancaires et de crédits. Le Che crée alors le nouveau pesos portant sa signature. Mais l'impossibilité d'assurer des crédits à long terme pour le développement des différents projets rend la politique économique de plus en plus risquée et conduit au gel des prix en mars 1962. C'est à ce moment là qu’ Ernesto Guevara se réoriente vers le développement de la révolution à l'échelle internationale. Son échec économique entraînera le retour d’une économie dépendante du sucre et des pays frères.
Ci-dessous vous pouvez voir un billet de 10 pesos signé par le Che en bas à gauche.
4) L’embargo des Etats-Unis
Il faut savoir que le gouvernement des États-Unis a toujours soutenu la révolution cubaine, en reconnaissant le nouveau gouvernement de Fidel Castro le 7 janvier 1959, après la fuite de Batista le 1er janvier. Le 6 février 1959, un rapport de la Banque Nationale de Cuba ralentit le dépôt dans les banques Américaines de 424 millions de dollars, volés selon elle par d’importants partisans de Batista. Mais, pas un seul centime ne sera remboursé par les banques Américaines. Le désaccord commence à apparaître. De plus, le nouveau gouvernement Cubain procéda aux premières nationalisations le 17 mai 1959 lorsque la réforme agraire est décrétée. Elle touche 1 200 000 hectares appartenant à des citoyens ou des sociétés Américaines nationalisée sans aucun dédommagement. Le 24 juin 1959, Cuba organise une réunion pour informer qu’il « appartenait au gouvernement des États-Unis d’assumer immédiatement une position très ferme à l’encontre de la Loi de Réforme Agraire et de sa mise en œuvre » et que « la meilleure manière d’atteindre le résultat nécessaire était la pression économique ». Le 4 février 1960, l'Union soviétique rompt ses accords avec les Etats-Unis et accorde une aide financière à Cuba de 100 millions de dollars. Le 6 juillet 1960, les États-Unis refusent d'acheter le reste du pourcentage sucrier cubain (70 000 tonnes traditionnellement vendue aux Etats-Unis et vitale pour l'économie cubaine). L'URSS se porte acquéreur. Pour se venger des Etats-Unis Cuba nationalise 36 centrales sucrières, des raffineries et la compagnie des téléphones américaine. Un véritable cercle vicieux se met en place. Le 16 décembre 1960 Eisenhower, président des Etats-Unis, supprime entièrement la quote-part de sucre cubain pour les trois premiers mois de 1961. Le 31 mars 1963, le nouveau président John Fitzgerald Kennedy supprime cette foi la totalité de la quote-part de sucre cubain sur le marché nord-américain pour l’année 1961 qui représentait 3 millions de tonnes. Pendant ce temps Cuba continue de nationaliser les entreprises et les coopératives américaines. Le 25 janvier 1962, l' Organisation des États Américains exclut totalement Cuba. Toutes les relations commerciales, diplomatiques et aériennes entre l'île et les autres pays du continent sont rompues. Le blocus est partagé par les alliés occidentaux des Etats-Unis (la France, La Grande Bretagne, l’Allemagne…). Cuba est presque totalement isolée. Les Américains interdisent même les voyages des cubains vivant en Amérique vers Cuba. L’Union soviétique augmenta alors son aide financière à Cuba. En réponse à l’alliance entre Cuba et l'URSS le président Kennedy pénalise de nouveau Cuba en augmentant les restrictions commerciales. Le 7 février 1962 l’embargo total du commerce entre les États-Unis et Cuba est officiellement décrété par un ordre exécutif présidentiel, c’est un véritable blocus économique, commercial et financier. Le 24 mars 1962, le département du Trésor Américain annonce l’interdiction de l’entrée sur le territoire des Etats-Unis de tout produit élaboré, totalement ou partiellement, avec des produits d’origine cubaine, même si ces produits proviennent d’un autre pays. En juillet 1963 est mis en place le règlement « Cuban Assets Control Regulation » qui contient les différentes caractéristiques de l’embargo américain et qui contrôle les ressources cubaines puisqu’il interdit toutes les transactions avec Cuba. En mai 1964, le département du commerce établit l’interdiction totale des embarcations d’aliments à destination de Cuba, bien que dans les faits celles-ci ne s’effectuaient plus depuis longtemps. En 1958, les États-Unis représentaient 67% des exportations cubaines et 70% de ses importations. De son côté, Cuba représentait 3% des exportations américaines et 4% de ses importations, plaçant l'île à la septième place pour les exportations et les importations. Dès les premières années de l'embargo, le commerce entre les deux pays a été totalement éliminé. Le gouvernement cubain estime que les pertes dues à l'embargo atteignent les 70 milliards de dollars. De son côté, la commission du commerce international des Etats-Unis estime une perte annuelle de 1,2 milliards de dollars pour les exportateurs. Par ailleurs, le blocus a eu un effet limité sur Cuba durant les premières années car l'île bénéficiait du soutien de l'Union soviétique et des pays du CAEM ( Conseil d’Aide Economique Mutuel géré par l'URSS) qui lui fournissaient carburant, biens de consommation et subventions en échange de sucre et de nickel.
5)L’abandon de l’URSS
Mais les 22 et 27 février 1965 le Che prononce un discours à Alger qui a eu de grosses répercutions sur l’économie Cubaine puisqu’il y critique ouvertement les soviétiques. En effet le Che insinue que le devoir des soviétiques est d’aider les pays qui veulent atteindre le libéralisme, il condamne également l’URSS d’entretenir des liens avec l’occident qui lui servent ensuite à exploiter les pays sous développés comme cuba ou d’autres Etats africains. Il refuse de les qualifier d’Etat socialiste tant qu’ils abuseront de certains peuples. Le Che prononça mot pour mot : « Le développement des pays qui s'engagent sur la voie de la libération doit être payé par les pays socialistes. Nous le disons sans aucune intention de chantage ou d'effet spectaculaire. » « Les pays socialistes ont le devoir moral de liquider leur complicité tacite avec les pays exploiteurs de l’Ouest. » « Il n'est pas pour nous d'autre définition du socialisme que l'abolition de l'exploitation de l'homme par l'homme. Tant que cette abolition ne se réalise pas nous restons au stade de la construction de la société et si, au lieu que ce phénomène se produise, la tâche de la suppression de l'exploitation s'arrête, et même recule alors on ne peut plus parler de construction du socialisme. ». A la suite de ce discours les échanges entre Cuba et l’URSS vont se faire de plus en plus rares et des tensions vont commencer à ce faire sentir.
6)Les répercutions
En 1968, le gouvernement Cubain déclenche l'Offensive révolutionnaire et élimine cette fois tous les commerces et les métiers privés qui survivaient sur l’île. Pour la zafra (la récolte) de 1970, Fidel Castro pari sur 10 millions de tonnes. Pour atteindre cet objectif il affecte la plupart des travailleurs dans le domaine agricole, mais la récolte ne dépassera pas les 8 millions. Depuis les années 1970, le secteur privé à commencé à ressurgir par la loi de l’offre et de la demande mais partiellement et à chaque fois provisoirement. Cependant ces réimplantations ont toujours su redonner du dynamisme à l’économie Cubaine, même si cet enrichissement privé continu d’être vu comme une source de conflit, qui fait craindre une rupture de l’unité social au sein de la nation. Che Guevara resta tout de même la personne du gouvernement cubain qui c’est le plus impliquée dans l'étude de l'économie politique, en plus de toutes les tâches d’administration et d’organisation qui lui ont été attribuées par la Révolution cubaine. En effet pendant la première moitié des années 60 l’économie cubaine resta au centre de la vie de Guevara. Le Che s’occupa d'organiser la plus grande partie de la production industrielle du pays sur la base d'un processus révolutionnaire mal défini (du point de vue de la construction socialiste). Malgré le succès de la lutte anti-impérialiste dirigée par la Révolution cubaine, sa direction manqua de la connaissance de l'économie politique du Marxisme-léninisme (science qui admet des lois de développement de la société, la révolution des masses opprimées et exploitées et en général le socialisme). La pensée économique de Guevara tournait autour du système budgétaire, que le Che a fait appliquer dans les entreprises organisées par le ministère de l'industrie entre 1961 et 1964. D’après Guevara le système budgétaire est « une réaction contre ce qui avait été établi en Union soviétique et contre les anciennes Démocraties Populaires de l'Europe de l'Est, que les partisans de la révision du modèle soviétique apres-Staline ont posé comme un modèle de développement à Cuba . Le système budgétaire est ce qui a servi de base à l’application du développement économique dans un pays arriéré comme Cuba. » Le système budgétaire restait d’après lui un élément essentiel pour permettre la transition au socialisme.
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